Ainsi, je me serais trompé de campagne ?…

 

 Je me suis engagé il y a un an dans une campagne pour battre la droite à l’élection présidentielle, pensant comme tant d’autres militants de gauche que des enjeux historiques allaient s’y jouer pour l’avenir de la République et du modèle social acquis par 150 ans de luttes du peuple, alors que pour les grandes et importantes personnes qui règnent sur le parti central de la gauche, il ne s’agissait en réalité que de gagner la « rénovation » du Parti Socialiste.

 

 Comment comprendre autre chose que cette supercherie en observant le spectacle offert par les dirigeants du Parti Socialiste – mon parti – depuis dimanche dernier ?

 

 Comment comprendre autre chose en observant les clameurs extatiques de la foule massée dans la rue de Solférino quelques minutes après l’annonce officielle de la défaite de la gauche, reprenant joyeusement les « tous ensemble » scandés depuis le balcon – un sourire radieux à la bouche – par la candidate battue ?

 

 Comment comprendre autre chose en voyant commencer dès dimanche soir la bousculade pour la prise de contrôle du Parti Socialiste, de prétendus responsables politiques, incapables d’admettre et d’expliquer leur défaite pour permettre au peuple de gauche de réaliser leur nouvelle situation et d’envisager de reconstruire quelque chose ?

 

 Comment comprendre autre chose en écoutant les responsables de la campagne de Ségolène Royal – et la candidate elle-même – expliquer que la « non victoire » n’est pas due à une erreur d’orientation ni à un échec stratégique, mais au fait que l’orientation et la stratégie auraient été entravés par les mécanismes archaïques d’un parti socialiste sclérosé et d’une gauche aux valeurs démodées ?

 

 Comment enfin comprendre autre chose en découvrant chaque jour de nouvelles déclarations des « rénovateurs » d’une « sociale démocratie assumée » ne tirant aucun autre enseignement pour la gauche que celui qui les amènent à enterrer définitivement l’exception socialiste française, pour constituer un centre-gauche comparable au SPD allemand qui gouverne avec la droite de Merkel afin de mettre en pièce tout l’édifice social que la grande sociale démocratie allemande avait construit au cours du XXème siècle, ou au New labour britannique qui fait la même chose, mais tout seul, sans même l'aide de la droite ! Il est d’ailleurs instructif d’apprendre à la fin de ce week-end que les sociaux-démocrates rénovateurs les plus zélés sont désormais pressentis pour entrer dans le gouvernement de Nicolas Sarkozy.

 

 Samedi, se tenait le conseil national du Parti Socialiste.

N’en étant pas membre, j’attendais avec impatience le soir pour connaître, par le compte-rendu que m’en feraient certains de mes amis, la teneur du débat, puisqu’il avait été fortement précisé que ce serait un CN à huis clos. Las, les règles ne valent que pour ceux qui les respectent ! Et dans mon parti, il semble que ce sont désormais ceux qui font les règles qui s’en émancipent le plus promptement.

 

 En effet, le CN se poursuivait encore dans l’après midi, lorsque Ségolène Royal a quitté la réunion pour se présenter devant la meute des journalistes qui l’attendaient - comme d'habitude - dehors. C’est ainsi que j’ai appris par voie de presse dès le milieu de l’après midi qu’elle avait déclaré qu’« il faudra réformer en profondeur le calendrier», en souhaitant que «que notre prochain, ou notre prochaine candidate, soit rapidement désigné après les législatives» et en précisant que ce sera fait dès «le prochain congrès, quand la date sera fixée... ».

 

 « Ainsi donc en a décidé le Conseil National» pensais-je naïvement, en imaginant la bataille épique qui avait du se dérouler dans ce huis clos de la Mutualité pour en arriver à cette décision remettant en cause les fondements du fonctionnement du Parti Socialiste.

 

 Ce n’est qu’après 17 heures que j’ai découvert que ce que Ségolène Royal avait dit à la presse n’avait aucunement été discuté pendant toute la séance… Bien au contraire, comme le rapporte ce matin la presse écrite, le mot d’ordre lancé dès l’ouverture de la réunion samedi matin était concentré dans la stupéfiante formule de Vincent Peillon, ex-porte parole de la candidate selon lequel, à quatre semaines des élections législatives, «il y a un impératif : silence… et je peux faire plus court : chut!» Voilà le rôle assigné par sa direction au parti central de la gauche: ne rien admettre, ne rien dire, ne rien expliquer, ne rien changer… étrange message pour inviter les 17 millions d’électeurs qui se sont mobilisés pour battre la droite en mai à se rassembler une nouvelle fois en juin, singulièrement en direction du tiers d’entre eux qui affichent ouvertement une sympathie pour d’autres partis de gauche que le PS.  

 

 Et voilà comment ces 17 millions d’électeurs deviennent – sans qu’on leur ait demandé leur avis – les mandataires implicites d’une dirigeante désormais totalement autonome de ce même parti Socialiste, fixant une ligne et une méthode qui n’a jamais été discuté nulle part !

 

 Et voici encore dimanche soir François Hollande qui à la télévision ajoute encore à la confusion générale sa vision d’une refondation d’un grand parti de gauche, «qui couvre tout l'espace qui va de la gauche, sans aller jusqu'à l'extrême gauche, jusqu'au centre-gauche ou au centre», prenant là encore à contre-pied les discussions du Conseil National qu’il avait présidé la veille.

 

 Quelle incroyable gâchis…

 

 Engagé depuis plus de vingt ans dans l’action politique, j’ai appris qu’un parti de gauche repose sur quatre piliers : un collectif de militants formés à la bataille idéologique et à la lutte sociale, un programme clair de confrontation avec l’ordre dominant, une stratégie d’alliance cohérente, un fonctionnement démocratique.

 

 François Mitterrand, en 1971, a construit ce parti constitué de militants conscients et instruits, portant une ligne de rupture avec le capitalisme qui donnera le programme commun, permettant l’alliance de l’Union de la Gauche avec le Parti Communiste, et organisé sur la base de la confrontation démocratique des courants socialistes.

 

 Depuis deux ans, j’assiste à la remise en cause de tout cet héritage légué par François Mitterrand.

Avec le système d’adhésion immédiate par internet qui permet au passant dans la rue d’acheter 20€ le droit, sans même savoir s’il est d’accord avec l’idéal socialiste, de choisir les chefs du parti et les candidats.

Avec la définition d’une ligne politique confuse, définie dans une pagaille idéologique libérée dans les débats participatifs où dire tout et son contraire était permis, surtout tout ce qui « brisait les tabous » c'est-à-dire tout ce qui éloignait des combat historiques de la Gauche et rapprochait du bon sens dominant et de droite.

Avec les manœuvres de division et d’anéantissement volontaire de l’autre gauche réduite en groupuscules électoraux (avec, il est vrai, leur consentement…) et l’invention de toute pièce d’un système d’alliance reposant sur l’illusion d’une force au centre inventée de toute pièce, décourageant et désorientant un peu plus les électeurs attachés à la gauche.

 

 CN-PRS-Mai-2007.jpgAujourd’hui j’apprends donc au travers des événements du conseil national que le prochain congrès du parti socialiste sera sans doute celui de la remise en cause des courants cohabitant au sein du PS, réduisant son rôle politique à celui d’une simple écurie présidentielle, cinq années avant l’échéance.

 

 Pendant tout le week-end, avec mes amis de l’Association Pour la République Sociale, nous avons tâché de comprendre ce mouvement en cours et d’y apporter nos réponses. Avec comme seule ambition – face aux gesticulations médiatiques des ambitieux de toutes sortes – celle d’être utiles au peuple de gauche pour réaliser la nouvelle donne, utiles aux salariés qui vont subir dans quelques semaines les premiers effets d’une politique libérale qui va se déchaîner, utiles à tous ceux qui souhaiteront reconstruire une gauche de conquête.

 

 J’invite mes lecteurs à découvrir le fruit de notre travail contenu dans la résolution élaborée par PRS (cliquez sur le lien), et à la diffuser autour d’eux s’ils souhaitent entreprendre avec nous ce long travail de reconstruction.

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