Depuis hier, la campagne « officielle » pour la législative a été lancée. Les chroniqueurs politiques des grands médias que j’ai eu l’occasion de lire ou d’écouter s’en sont presque étonnés.

 

Les chiens sont lâchés

 

C’est qu’ils se donnent du mal depuis le 6 mai dernier pour démontrer que ces élections n’ont aucune importance, puisque, pour eux, tout est déjà plié : avec Nicolas Sarkozy élu Président de la République, l’installation d’une majorité présidentielle à l’Assemblée Nationale doit être – pour ces propagandistes modernes aux ordres des groupes financiers – une simple formalité.

 

Ainsi, on assiste quotidiennement dans tous les médias à un déferlement d’images et d’annonces, savamment distillées par les services de presse de l’Elysée et des ministères, et reprises sans aucune distance par la quasi totalité des journalistes, présentant comme irréversible la mise en place d’une politique gouvernementale de grande ampleur, dont les principales dispositions seront effectives dès l’été prochain. Les élections de juin dans tous ça ? Un détail, bien sûr. Tout est joué, on vous dit…

 

Combattre la résignation !

 

Le malheur, c’est qu’à gauche, on se résigne globalement à cette perspective. Certes François Hollande – comme bien d’autres – fait de son mieux pour mobiliser les militants et les électeurs, comme je l’ai entendu hier lors du meeting à Bordeaux, mais il faut bien reconnaître que faute d’une ligne politique claire et d’une stratégie de rassemblement de la gauche, le lancement de la campagne est catastrophique. Le mal a été fait avant le 6 mai, grâce aux grands stratèges des états majors de la rue de Solférino qui ont fait le choix du brouillage du discours et de l’émiettement des forces de la gauche, isolant le désormais hégémonique – mais solitaire – Parti Socialiste.

 

Comment ces apprentis sorciers peuvent-ils inventer en quelques jours une perspective globale qu’ils ont si méticuleusement embrouillée pendant des mois ? Dès lors, sentant le sol se dérober aujourd’hui sous leurs pieds, ils s’accrochent à ce qui reste : sauver les meubles ! J’ai écouté ce matin à la radio l’inégalable Manuel Valls, député-maire PS sortant d’Evry, répondant à un auditeur socialiste de province qui s’indignait du défaitisme régnant à gauche pour les législatives. Au lieu de s’appuyer sur cette intervention pour affirmer son ambition de faire barrage à la droite, Manuel Valls corrigeait cet auditeur, l’invitant à être aussi « réaliste » que lui, en reconnaissant qu’il n’y a aucune chance pour que la gauche l’emporte en juin, et que son seul objectif était de se faire réélire dans sa circonscription de l’Essonne afin de participer à partir du 17 juin à une opposition… aussi grosse que possible. C’est pathétique !

 

Un seul objectif pour la gauche : prendre le pouvoir

 

la-droite-doit-partir.jpgJe suis stupéfait que personne, parmi les dirigeants de la gauche, ne fixe ouvertement l’objectif de la cohabitation. Et alors quoi ? Que peut-on proposer d’autre à notre peuple qu’une cohabitation pour enrayer la machine infernale qu’a déjà lancée Nicolas Sarkozy, cherchant à transformer sa victoire politique de mai en victoire sociale du MEDEF contre les salariés. Quoi d’autre qu’une cohabitation pour empêcher la remise en cause du droit de grève avec le service minimum, la mise en pièces des services publics en commençant par EDF-GDF, la fin de la carte scolaire dès septembre, la ruine du système de retraites et des régimes spéciaux, la fin du service public de santé avec l’introduction des franchises, la mise en faillite du logement social vendu « à la découpe » ?…

 

Il faut le dire aux électeurs de gauche : c’est une cohabitation qui empêchera tout ça ! Et qui permettra de faire autre chose, comme mener une politique de gauche, par exemple ! Ces grands idéologues modernes de mon parti ont-ils déjà oublié toutes les grandes choses que Lionel Jospin avait réussi faire, contre l’avis de Jacques Chirac, de 1997 à 2002 ?

 

François Fillon a parfaitement compris la faiblesse actuelle de la gauche. « N'en déplaise à la gauche, disait-il hier soir à Marseille, l'Assemblée nationale ce n'est pas un contre-pouvoir, c'est le pouvoir ». Il a raison ! La cohabitation en juin, c’est la gauche au pouvoir.

 

L’esprit de la 5ème République est tellement enraciné dans la pensée dominante de notre pays, et a tellement été diffusé pendant cette campagne 2007 par une hyper personnification des candidatures – singulièrement celle de Ségolène Royal – que sa logique institutionnelle s’impose aujourd’hui presque sans aucune résistance.

 

Pour ma part, peut-être motivé plus que d’autres par les 67,66% de la gauche au 2ème tour de la présidentielle à Montreuil, c’est bien pour imposer une cohabitation à Nicolas Sarkozy que je tâche de convaincre mes concitoyens à voter massivement à gauche en juin prochain. Pour faire barrage à la droite, mener une autre politique, mais aussi pour permettre la reconstruction de la gauche.

 

A Montreuil, les conséquences de la crise nationale

 

Et justement à propos de cette nécessaire reconstruction de la gauche, dans le cadre national que je viens de décrire, il y a de sérieuses inquiétudes à avoir quant aux conséquences sur le terrain. Je crains que ce qui est en train de se produire dans ma circonscription dévoile une ambiance générale dans le pays…

 

On dénombre à Montreuil pas moins de quinze candidatures et la gauche est plus divisée qu’elle ne l’a jamais été. J’ai pensé ce week-end en apprenant la liste qu’il s’agissait d’un record, j’ai découvert lundi dans le journal que c’était une situation banale dans tout le pays. A la réflexion, considérant ce qui se passe au niveau national, on ne pouvait pas en effet s’attendre à ce que les forces politiques locales fassent à leur niveau autre chose que suivre l’exemple qui leur est donné…

 

Pour le militant de l’union de la Gauche que je tâche d’être, avec mes amis regroupés dans l’association Pour la République Sociale, cette situation est bien sûr regrettable, bien que pas très surprenante.

Il faut faire, comme le dit l’adage, contre mauvaise fortune bon cœur, et pour ma part, sur le chemin étroit qu’imposent les événements, j’ai ma ligne de conduite, celle que j’ai exprimée dans ma précédente note : 1 - Je ne suis pas satisfait des conditions dans lesquelles se prépare la confrontation de la gauche contre la droite. 2 - Responsable socialiste à Montreuil, je fais campagne pour la candidature socialiste qui désigne son adversaire à droite. 3 - Responsable d’une gauche en recomposition, je ne ferai rien qui aggraverait la confusion en son sein et qui pourrait compromettre son unité à reconstruire.

 

Une ligne de conduite pas si difficile à tenir dans une ville où la gauche est largement majoritaire, précisément parce que (à de rares exceptions prés) toutes les forces organisées qui composent la gauche et toutes les personnalités qui en animent les débats, ont conscience qu’il faut préférer ce qui la rassemble à ce qui la divise.

 

Une gauche largement majoritaire, c’est une force rare qu’il faut préserver

 

Je fais partie à Montreuil de ceux qui ne considèrent pas que la force des 70% d’électeurs qui votent régulièrement à gauche autorise à faire n’importe quoi pour régler des comptes internes. Bien au contraire, dans le contexte actuel du pays, ces 70% d’électeurs montreuillois imposent aux forces de gauche une responsabilité encore plus lourde pour les mobiliser ensemble contre ce que la droite prépare.

 

Certes, lors des législatives de 2002, et dans le chaos provoqué par le 21 avril, je me souviens que les militants de l’unité de la gauche ont eu bien du mal à se faire entendre.

Mais aujourd’hui, en 2007, la situation a beaucoup évolué au sein d’une gauche montreuilloise qui a pu tirer les leçons de ces cinq années passées, qui a continué à gérer en commun la collectivité, qui a pu affirmer une solidarité lors des grandes luttes menées en commun contre la droite de Chirac, Raffarin et Villepin, et qui a pu enfin partager un goût pour une saine confrontation citoyenne à l’occasion du grands débat de la gauche – puis du pays – sur le traité constitutionnel européen (60,56% pour le Non à Montreuil).

 

Je veux croire que ces cinq années ont profondément modifié les rapports entre les organisations politiques qui composent la gauche montreuilloise, et peut-être modifié la nature même de chacune de ces forces politiques. Ce dont je suis sûr, c’est que l’aspiration à l’unité de la gauche sur des bases claires a aujourd’hui beaucoup plus de militants actifs qu’autrefois. J’en veux pour preuve les débats auxquels je participe régulièrement au sein de la section socialiste, ceux dont j’ai l’écho au sein de la section communiste, ceux qui ont eu lieu au sein du « collectif antilibéral pour des candidatures unitaires » auquel j’ai participé jusqu’en décembre 2006. J’en veux aussi pour preuve l’élargissement de l’Association PRS à Montreuil qui a mis la question de l’unité de la gauche au cœur de ses combats…

 

Montreuil au bord de la crise de nerfs

 

NV-Gauche-unis-tois.jpgEt pourtant, depuis deux semaines je vois ressurgir à gauche les vieux démons de la division et de la suspicion.

 

Sans attendre le lancement officiel de la campagne législative, les principaux candidats à Montreuil ont depuis longtemps commencé à agir sur le terrain militant. Avant l’élection présidentielle, cela se passait plutôt bien, dans une ambiance parfois rugueuse, mais globalement fraternelle. Il y avait bien deux ou trois engueulades autour des panneaux d’affichage, mais rien de bien méchant.

 

Aujourd’hui, le ciel s’est très fortement assombri et la gauche montreuilloise se trouve au bord de la crise de nerfs. Perdant de vue l’intérêt général, obnubilés par l’enjeu local et à court terme, certains irresponsables cherchent à transformer ce qui aurait pu être une saine émulation (dans les conditions regrettables d’une fragmentation de notre camp décidée à un autre niveau que le nôtre) en une confrontation brutale et suicidaire. Je ne détaillerai pas ici ce à quoi j’assiste et ce qu’on me rapporte quotidiennement. Je veux croire qu’il s’agit là de la conséquence malheureuse des événements nationaux.

 

Les « Boy-Scouts » de la gauche ?

 

Je veux croire que les provocations vont s’interrompre aussi vite qu’elles sont apparues.

J’ai l’habitude de dire que « je n’ai aucun ennemi à gauche ». C’est donc à tous mes amis candidats de gauche à Montreuil, ainsi qu’à tous les amis que je compte dans tous les comités de soutien de ces candidatures que j’adresse une invitation solennelle à préserver la dignité dans les rapports politiques au sein de notre camp.

 

J’entends déjà les railleries dont fera l’objet la phrase qui précède dans les gazettes et les discussions de comptoir, spécialisées dans l’opprobre et la méchanceté petite bourgeoise, colportées par ceux qui n’ont – tout compte fait – pas grand chose à perdre de cinq années sous Sarkozy. Peu m’importe. J’assume pleinement l’étiquette de boy-scout de la gauche que les cyniques m’accrocheront dans le dos. Ces gens-là ont des stratégies tellement plus intéressantes pour leur petit commerce...

 

 

En revanche, les militants de l’unité de la gauche, inquiets de l’avenir et se sentant responsables d’une recomposition politique savent de quoi je parle.

Répartis dans les différentes formations de la gauche, ila faudra bien qu'on se retrouve après le 17 juin pour envisager la suite. Toutes les insultes qui circulent aujourd'hui dans les discussions informelles à Montreuil, tous les actes offensants qui sont commis sur les marchés et devant les panneaux d'affichage seront demain autant d'obstacles à notre dialogue. C'est la droite qui profite de cette situation. Et à gauche, ce sont ceux qui cherchent une solution dans des alliances contre nature en dehors de la gauche qui y trouvent arguments.

Plus que tous les autres, les militants de l’association Pour la République Sociale savent l'importance d'assumer ce rôle honorable des boy-scouts de la Gauche, eux qui, militants au PS, au PCF, ou ailleurs ont passé les deux années qui viennent de s’écouler à faire le trait d’union entre les partis de gauche, au point d’en avoir des crampes tellement les forces de la division sont à l’œuvre.

 

Eh bien soit : nous serons les gentils Boy-scouts de la Gauche.

 

Et je précise à l’attention des persifleurs et pour agrémenter leurs commérages : mieux que Boy-Scouts, nous serons Eclaireurs de la gauche ! Car je me souviens de mes choix d’adolescence, à Castres (dans le Tarn) où j’ai grandi. Là bas, dans les années 70-80, la jeunesse se divisait en deux camps : les scouts de la paroisse qui allaient à la messe le dimanche, et les Eclaireurs de France, laïques, républicains et progressistes. Les familles castraises de droite et de gauche choisissaient ainsi – consciemment ou non – le moule dans lequel leurs rejetons allaient découvrir la vie. A l’ombre de la statue de Jean Jaurès, dans sa ville natale, c’est chez les éclaireurs que je suis allé apprendre quelques rudiments de la chose publique. Ça forge un caractère, non ? J'ai le souvenir que lorsqu'on m'interrogeait sur mes activités chez les scouts, je corrigeais « ah non : éclaireur... » en mesurant déjà le sens de la nuance.

 

Eclaireurs ? Ça a du sens dans cette époque déboussolante que nous vivons aujourd'hui ! Alors c’est entendu, à Montreuil comme ailleurs, les militants de PRS resteront les Eclaireurs de la gauche à reconstruire. Certains riront sans doute. J'invite ceux qui ne riront pas à rejoindre cette avant garde.

 

 

 

 

 

Retour à l'accueil